Dans le centre administratif de la Ville de Bruxelles, s’est tenue, le 19 juin dernier, la commission de concertation traitant de la transformation de l’Institut Eastman situé dans le Parc Léopold en "Maison de l’Histoire européenne". Compte-rendu commenté et désabusé.
Véritable enjeux ou démocratie de façade ?
Avions-nous quelque chose à attendre de cette enquête publique et de la commission de concertation qui la clôture ?
Une fois n’est pas coutume, le Parlement européen lui-même s’est présenté en tant que Maître de l’Ouvrage, une grande première. Mais à part cela, à l’ouest du parc, rien de nouveau.
Une présentation laborieuse
Le projet de Maison de l’Histoire européenne nous a d’abord été présentée par Xavier Lacroix, de la Direction des Projets immobiliers du Parlement Européen, puis par Walter Grasmug, associé au bureau d’architectes Chaix et Morel.
Le premier a rappelé le cadre général du projet. La Maison de l’Histoire européenne naît de la volonté d’ "expliquer un miracle", celui de la création en quelques décennies d’un "espace de paix et de bien-être". De plus, ce projet donne "l’opportunité inédite d’une écriture de l’Histoire européenne, qui doit nous rassembler malgré les moments d’incertitude que nous vivons".
Ensuite, l’architecte a mobilisé tous les concepts de l’architecture verrière, de la transparence à la vibration en passant par les peaux thermiques et autres plasticités. Enfin, le "respect absolu" du bâtiment original est invoqué, faisant de ce projet "l’inverse du façadisme". Par un jeu savant de perspectives, une des diapositives accompagnant cette argumentation mal dégauchie, vient appuyer l’affirmation farfelue selon laquelle "la hauteur totale de la Maison de L’histoire européenne ne dépassera pas celle du Lycée Emile Jacqmain", voisin de l’Institut Eastman. Notion toute relative du compas dans l’œil.
Un arsenal rhétorique éculé pour faire passer au chausse-pied un projet qui sera bientôt dépassé par les événements.
Une volée de bois verts
De l’autre côté de la table, les associations Europa Nostra, Arau et AQL ont souhaité interpeller les membres de la commission.
Toutes trois ont marqué avec insistance leur intérêt pour l’idée d’une Maison de l’Histoire européenne. Si une intégration réussie dans le bâtiment Eastman était possible, elles l’auraient vu d’un autre œil. Mais en l’espèce, le projet soumis à enquête est démesuré. Il écrase le bâtiment original remarquable, et transfigure radicalement le site classé du Parc qui l’entoure.
De plus, concernant l’énormité de l’extension envisagée, Europa Nostra, l’Arau et l’AQL posent une question fondamentale, restée sans réponse : le programme muséal -resté jusqu’ici confidentiel- nécessite-t-il impérativement de tels volumes ? Dans ce cas, les associations considèrent que le Parlement Européen devrait trouver un site plus adapté, plutôt que de s’imposer au mépris des règlements, des riverains, des usagers du Parc, des groupes de défense du patrimoine et au mépris de l’Institut Eastman lui-même.
Un avis déconcertant
Où se situe donc véritablement le débat, où peut-on trouver l’ouverture à la démocratie, que peuvent bien indiquer, quand les portes se referment, ces conciliabules feutrés qui nous dépossèdent si effrontément ?
Malgré les arguments développés et malgré l’absence de réponse à la question du programme muséal, l’avis rendu après délibération des membres de la commission de concertation est unanimement favorable au projet, à l’exception de l’abattage des arbres…
Nos administrations publiques, au lieu de protéger nos espaces verts et notre patrimoine, se sont tues en avalant benoitement la propagande qu’on leur a servi.
Nos administrations publiques, au lieu de s’appuyer sur la réglementation qu’elles ont elles-même produite en ont détourné l’esprit.
Nos administrations publiques, au lieu d’encadrer rigoureusement les appétits gargantuesques des requins de l’immobilier, ont ouvert, y compris dans le parc Léopold, la porte de la cage aux lions.
Ce qui se passe dans le parc Léopold relève des mêmes dérives dérégulatrices que celles déjà constatées sur la rue de la Loi ou sur la rue Belliard. Les Institutions européennes et la Ville de Bruxelles semblent jouer le jeu des requins de l’immobilier qui s’en frottent probablement les mains.
Quant à savoir si la Maison de l’Histoire européenne rapprochera les citoyens des institutions…