POSITION PRISE PAR LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ASSOCIATION QUARTIER LÉOPOLD
L’AQL rassemble les habitants les entreprises et les usagers situés, entre autres, à proximité du Parlement Européen. Pour nous, le Parc Léopold est un enjeu très important pour l’équilibre physique, psychologique et politique entre les riverains qui sont aussi des citoyens européens et les différentes institutions qui sont venues s’établir aux alentours du Parc. Le projet qui est soumis à l’enquête publique et qui sera présenté en commission de concertation le 19 juin 2012 consiste à faire entrer au chausse-pied une “Maison de l’Histoire européenne” dans l’Institut Eastman trop petit. Ce bâtiment Art déco remarquable qui est implanté dans le site classé du parc mérite mieux qu’un façadisme envahissant. Nous estimons donc important de prendre énergiquement position contre le projet présenté et cela pour les raisons suivantes :
1. À la demande des associations d’habitants, le Parc a été classé par un arrêté royal du 19/10/1976. Même si le bâtiment de l’institut Eastman ne l’a pas été dans la foulée, c’est une œuvre architecturale remarquable de l’entre-deux-guerres. Le Parlement européen n’en a pas tenu compte en imposant un programme impossible à intégrer dans le volume existant du bâtiment et qui dénature en l’envahissant le site classé du parc.
2. L’AQL constate que dans l’environnement de l’Institut Eastman sur la rue Belliard ou sur la chaussée d’Etterbeek, tout projet soumis dernièrement à l’enquête publique consiste surtout à doubler les volumes existants et à déroger massivement aux réglementations en vigueur. C’est le cas du projet mis à l’enquête mais aussi de la tour de logement Van Maerlant, de l’immeuble Trebel ou du Projet Urbain Loi. Nous ne pouvons tolérer que cette pression densificatrice se diffuse aussi dans le Parc qui est un territoire sacré.
3. Ce projet va jusqu’à mettre en cause le patrimoine arboré du parc en poussant l’affront jusqu’à l’abattage d’une grande portion de la frondaison sur la rue Belliard, là ou le parc s’annonce avec grâce dans la perspective d’un boulevard urbain bien grincheux. Mais où avez-vous la tête ?
4. L’ AQL demande depuis des dizaines d’années que la circulation automobile soit strictement contingentée dans le parc qui en est journellement envahi. Jusqu’à présent rien n’a été fait et l’afflux de 285.000 visiteurs par an ne peut qu’augmenter l’afflux de nouveaux véhicules (chargement/déchargement, augmentation du nombre de travailleurs, véhicules de sécurité, véhicules de visiteurs baladeurs …) Rien ne semble être prévu pour protéger l’espace vert d’un encombrement automobile supplémentaire.
5. Le projet de “la Maison de l’Histoire européenne” est envahissant, contradictoire et détaché. Le cahier des charges du concours et le programme muséal reste encore un mystère alors que sa publication est fondamental pour la bonne compréhension du dossier mis à l’enquête. Cela nous laisse donc sans réponse pour des questions telles que :
- Quel est le raisonnement muséal qui permet de justifier un programme de 11.000 m² dans un bâtiment qui n’en comporte que 6.000 ? Et si les superficies ne pouvaient être diminuées, pourquoi avoir choisi un bâtiment qui ne pouvait les contenir au risque de défigurer un site classé et provoquer des riverains qui sont aussi des citoyens européens à la recherche d’apaisement ?
- Comment justifier des superficies administratives de 1.300 m² pour 20 fonctionnaires dans un quartier qui regorge de bureaux à ne plus savoir qu’en faire ? Une cafeteria, une boutique et puis quoi encore ? Alors que le Parlementarium comprend déjà tout cela et présente déjà largement l’Histoire de l’Europe ?
- Pourquoi d’ailleurs cette initiative est-elle présentée par le seul Parlement européen alors qu’elle concerne l’ensemble des institutions européennes, chacune nous encombrera-t-elle de sa propre Maison/ Musée ?
- Pourquoi défigurer le bâtiment Eastman pour réaliser quelque chose qui n’est ni une restauration respectueuse du patrimoine, ni une construction neuve vraiment démonstrative ? Le projet soumis à l’enquête n’est finalement qu’une demi-mesure qui se complait dans le façadisme le plus éculé et qui essaye de nous faire croire que ce qui le chapeaute peut prétendre à une bien illusoire transparence.
- Comment justifier pour finir un projet qui promeut avec tant de disgrâce une Europe qui tente de dépasser le nationalisme alors qu’il semble s’appuyer sur une démarche scientifique qui a permis au XIXe siècle de consolider le modèle de l’État Nation. Quelle histoire essaye-t-on de nous raconter là ?
6. Ce projet a été adopté par le bureau du Parlement en 2007, avant la crise actuelle de l’Europe, pour une somme estimée à l’époque à 52 millions d’Euros. Cette dépense somptuaire, rajoutée à d’autres plus récentes comme les 88 millions pour la nouvelle école européenne de Laeken (alors qu’il est difficile de trouver 10 millions pour les écoles bruxelloises), ne peut qu’entraîner des réactions d’incompréhension. Ce projet doit être reconsidéré et faire l’objet d’une réflexion plus approfondie et probablement plus modeste s’il désire encore atteindre ceux que l’on souhaite encore convaincre.
La “Maison de l’Histoire européenne” est un projet bien contradictoire quand il essaye de nous expliquer en force une démarche politique réservée et orientée que ses voisins de base n’arrivent donc plus à comprendre - à moins que nous fassions partie de ces voisins particuliers qui fréquentent à pas feutrés les salons de velours de la bibliothèque Solvay.
La “Maison de l’Histoire européenne” est un projet bien envahissant lorsqu’il n’arrive pas à se comporter avec plus de grâce quand il s’agit d’aborder entre autre ce qui constitue notre patrimoine architectural et paysager.
La “Maison de l’Histoire européenne” est un projet bien coûteux lorsqu’il s’impose dans une période de crise profonde non seulement sur le plan économique mais également dans l’idée que nous nous faisons des nos institutions.
La “Maison de l’Histoire européenne” est un projet contradictoire, envahissant et coûteux. Façadisme, choucroute et démocratie, on nous a déjà fait le coup avec l’ancienne gare du Luxembourg sauvée d’une démolition programmée pour finir abandonnée dans le giron d’un Parlement peu gracieux. À tout prendre, nous préférons un Institut Eastman démoli plutôt que faire-valoir d’un projet qui n’arrive pas à s’assumer.
Ou tout ou rien, ou restauration respectueuse ou immeuble phare et que le parlement européen prenne pleinement ses responsabilités.
La Commission de concertation aura lieu le 19 juin 2012 à 10h45 au Centre Administratif de la Ville de Bruxelles au 6 boulevard Anspach-1000 Bruxelles.