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Le Complexe belge de N. Crousse - Extrait 8

Chers amis, ceci n’est pas un pays

...........................Décompte : J - 196

L’État belge est une réalité fragile. Le sentiment patriotique, l’élan collectif, tout cela n’existe pas. De là à ce que d’aucuns relancent la théorie du séparatisme, il n’y a qu’un pas. Reconnaissons-le : dans les années 70 et 80, le mot séparatisme se distingue surtout par son fol exotisme. C’est tout au plus le fantasme de quelques hurluberlus, un fantasme qu’on appelle rattachisme quand l’aspirant divorcé entend refaire sa vie, à l’image du mouvement incarné par Paul-Henri Gendebien [1], avec son grand voisin. Une poignée d’irréductibles francophones vont, dans des années-là, consacrer leurs énergies à tenter de convaincre le grand frère français de les adopter. L’accueil sera pour le moins relatif. Au début des années 90, Michel Charasse, à l’époque ministre du Budget, aura ces mots : « Vous voulez nous envoyer vos pauvres ? Non merci, nous avons déjà les nôtres. »

Olivier Swenne
Des années plus tard, le séparatisme n’est plus tout à fait une hérésie. Il devient même une piste de travail, certes encore un peu timide, de quelques pointures de la politique wallonne, enfants de régionalistes wallons tels qu’André Renard ou François Perin. En 1993, Guy Spitaels [2], alors président du parti socialiste francophone et ministre-président de la région wallonne, se rend à
l’Élysée pour y faire une visite de courtoisie à François Mitterrand, puis à Raymond Barre et Michel Rocard.La question d’un rattachement entre la France et la Wallonie est mise sur la table, mais reste lettre morte…

Puis c’est au tour des Flamands de prendre le relais. Leur identité régionale est forte, depuis toujours. Sur les routes du Tour de France, les drapeaux flamands jaune et noir dépassent de loin les tricolores belges. Mais c’est au travers de la vie politique que le discours séparatiste, héritier d’un mouvement flamand en pleine expansion depuis l’après-guerre, va peu à peu prendre de l’importance. Des partis s’y structurent autour de l’identité flamande : la Volksunie (l’union du peuple), le Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), aujourd’hui lié au premier parti flamand, le CD&V, le parti Spirit, associé au parti socialiste flamand, le SP.A, et surtout le Vlaams Blok, rebaptisé
en 2003 Vlaams Belang (VB). Au programme de ce dernier, parti d’extrême droite qui doit son succès au charismatique Filip De Winter [3], son leader, un double plat de résistance (… ou de collaboration) : le rejet des étrangers et le combat pour l’indépendance flamande.

À l’instar du Front national, le VB a pris de l’importance jusqu’à devenir, à la veille des élections législatives de juin 2007, le deuxième parti de la région flamande, devançant le parti libéral de Guy Verhofstadt (Premier ministre depuis 1999) ainsi que l’aile socialiste de la région. Le VB ne s’en cache pas : son objectif vise la désintégration de l’État belge. Qui n’a jamais été autant mis à mal que ces dernières années. Désormais, le spectre du séparatisme n’est plus un scénario de pure fiction. C’est une hypothèse de travail. Qui fait dire à Télé Moustique, que « Vu de Flandre, la Belgique est déjà morte [4] ! »

Hypothèse grotesque, aurait pu dire René Magritte, qui aurait ajouté : chers amis, ceci n’est pas un pays. Dans de telles conditions, comment et pourquoi s’obstiner à vouloir dissoudre ce qui n’a jamais été uni ? Déclare-t-on la mort de ce qui n’a jamais existé ? Et pourtant…

[1Président du Rassemblement Wallonie-France/Bruxelles-France.

[2À l’instar de son modèle, François Mitterrand, on le surnommait Dieu, et les caricaturistes le croquaient souvent en Roi-Soleil.

[3L’un des hommes forts de l’extrême droite européenne. Flamingant… aux origines francophones !

[4Dans son édition du 3 mars 2007. C’est le titre de la couverture du magazine, qui consacre un reportage à ces Flamands toujours plus nombreux qui témoignent devant l’identité de la Belgique d’une « indifférence à l’état pur ». « Les deux Allemagnes ont été séparées par un mur, des mines, des tirailleurs, y commente le journaliste flamand Pascal Verbeken, qui vient de signer un essai sur la Wallonie (Arm Wallonïe, het beloofde land, Meulenhoff-Manteau, 2007). Et le mur n’a pas tenu. Mais en Belgique, le mur des clichés est beaucoup plus solide. »

À propos de cet article

Publié le dimanche 30 novembre 2008

Par
Ulysse
Dans
Le complexe belge - Petite psychanalyse d’un apatride - Nicolas Crousse
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Mots clés:
Arts Politique belge Politique européenne